Cela fait plus d'un an que Nous sommes tenus à une distance physique qui nous prive de contacts pourtant nécessaires et essentiels. On essaie de rester malgré tout en contact bien sûr mais le contact… du latin « avec le toucher ». Le contact se fait par le toucher. Je vais vous parler de la peau et de ce sens qui y est associé, un sens capital pour l’équilibre émotionnel et qui a une fonction sociale essentielle.
Que l’on soit à fleur de peau
Qu’on veuille lui faire la peau
Que l’on veuille la sauver, la risquer
Que l’on ait peur pour elle, voir qu’on l’y laisse… sa peau,
Qu’on s’y trouve bien ou mal, dans sa peau,
Qu’on passe pour une vieille peau ou qu’on l’ait dure,
Que l’on entre dans la peau d’un personnage ou qu’on en sorte
A l’inverse que ce soit quelqu’un qu’on ait dans la peau…
Moi j’entends que la peau c’est la vie. Dans les premières semaines de vie, les deux tissus que sont la peau et le système nerveux ne constituent qu’un tissu unique. Ce n’est qu’au cours du développement de l’embryon qu’ils se différencient. Peau et système nerveux sont intimement liés. Cela explique comment le stress peut retentir sur la peau : sous forme d’une poussée d’eczéma, par exemple.
Dans le ventre maternel, le toucher est donc le 1er sens, à se développer, avant la vue et l’ouïe. Le fœtus perçoit les pressions provoquées par le liquide amniotique et les mouvements du ventre de la mère. Ces stimulations sont captées et traitées par le système sensoriel. C’est le sens du toucher qui nous ouvre au monde. C’est un besoin universel inscrit dès la naissance et il nous accompagne jusqu’à notre plus grand âge. Ce sens particulier représente donc une valeur unique et précieuse.
Une fois l’enfant à l’extérieur, de plus en plus de praticiens s’accordent à recommander la peau à peau du bébé et de la mère ou du père pour stabiliser la température du corps, la respiration et le rythme cardiaque, et pour éventuellement faciliter la montée de lait, pour diminuer le stress et l’anxiété, calmer les pleurs. Le toucher libère des hormones ayant ce pouvoir sur notre corps.
Le toucher a sa discipline : c’est l’haptonomie, peut-être en avez-vous déjà entendu parler. C’est la science des interactions et des relations affectives humaines, elle regroupe un ensemble de pratiques qui cherchent à intensifier les bienfaits de l'accompagnement thérapeutique par une attention particulière accordée à la relation, à travers le toucher notamment. Elle permet d'entrer en contact pour accompagner, accueillir, guérir, soulager, rendre entier, confirmer, et ce à tous les âges de la vie, de la grossesse à la fin de vie. Elle place la relation et le contact affectif au cœur du soin, de l’éducation et de toute rencontre interhumaine.
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La peau favorise l’échange, le toucher est le sens le moins vulnérable, à l’aube de la vie par exemple c’est le dernier à ne pas être altéré. La peau à travers le toucher va favoriser un échange qui peut être entravé par ailleurs par l’altération des autres sens : la vision ou l’ouïe perdent de leur acuité, le sens du toucher dit discriminant s’estompe mais on développe alors une plus grande sensibilité au toucher émotionnel et on en retire plus de sensation. Le toucher permet encore une interaction fine avec le monde environnant.
La peau est une clef essentielle de la relation. Tous les sens à l’exception du toucher nous informent par interprétation personnelle de stimuli : le goût, la vue, l’odorat et l’audition sont liés à un monde subjectif, auquel avec lequel nous n’entrons jamais directement en contact. En revanche, le toucher fait appel à un contact direct avec l’environnement extérieur, c’est la seule perception sensorielle certaine que nous détenons. SI le toucher tient cette place particulière parmi les 5 sens, la peau tient,elle, une place particulière parmi les 7 organes vitaux, c’est le seul à n’être pas interne, quand les 6 autres qui le sont, protégés par la boîte crânienne pour le cerveau ou la cage thoracique pour les autres. C’est par ailleurs notre organe le plus étendu, la peau nous délimite, nous donne nos contours, nous confère notre propre perception de nous-même.
La peau et le toucher jouent un rôle prépondérant dans le développement de l’enfant. Il a été étudié que 25% des prématurés développent des caractéristiques autistiques et la plupart pourront présenter des troubles cognitifs au cours de leur vie. Car si on se soucie de leurs besoins physiologiques ils ne peuvent pas ou peu être touchés lors de ce temps qu’ils passent en couveuse. Pour tout être humain la sensibilité au toucher est particulièrement performante au niveau des lèvres, de la langue, du bout des doigts, c’est bien par-là que l’enfant va commencer l’exploration du monde extérieur, ce que Freud appelle d’ailleurs le stade oral. Goûter l’univers, le sentir c’est le comprendre. Voyez-vous ce parent exaspéré que nous pouvons être et qui dit « il touche à tout, tout le temps et il met tout dans sa bouche », et oui c’est comme ça qu’il découvre le monde fascinant qui l’entoure !
La peau est un vecteur d’apprentissage. On vient de le voir, le toucher est essentiel pour le développement de l’enfant : toucher les objets et les autres êtres vivants favorise son apprentissage, jusqu'à faciliter l'apprentissage de la lecture chez l'enfant qui s'y initie. Car le sens haptique permet, chez l'homme, de mieux connecter la vision et l'audition. C’est sur ce constat que Maria Montessori a créé les lettres tactiles pour les jeunes enfants. Et c’est toujours vrai chez l'adulte apprenant une langue étrangère.
Si la peau c’est la vie, c’est aussi la survie de l’homme et de l’espèce. Le toucher est essentiel pour la survie des êtres vivants, il permet l'exploration, la reconnaissance, la découverte de l'environnement, la locomotion ou la marche, la préhension des objets et de la nutrition. Se toucher ou se faire toucher de façon positive est crucial pour la survie de l'homme. D’ailleurs si se toucher ne nous était pas agréable nous ne serions pas là.
Et oui, la peau, fallait-t-il le préciser c’est l’accès à l’amour et la sexualité Harry Harlow psychologue américain du 20ème siècle, disait « C’est par la peau principalement que nous sommes devenus des êtres aimants. » Il est connu pour ses expériences de mise en isolement social de jeunes singes. Il souhaitait défaire la croyance, assez répandue à l'époque, que l'enfant avant 1, 2 ou 3 ans ne fait que « pousser » et qu'il a uniquement besoin de nourriture. Il les laisse donc de jeunes singes en isolement en total et hors de tout contact avec leurs semblables : ils sont généralement récupérés en état de choc émotionnel caractérisé par un anéantissement de leurs interactions sociales : c’est à dire incapable d'interaction, de jeu, ne montrant aucun intérêt sexuel.
La peau c’est le lien qui nous lie et nous relie : Suite à un contact physique, la zone de traitement de l’information se fait dans la zone du cerveau dit social, c’est la même que celle de l’attention à l’autre ou de la conscience de soi ! Les contacts entretiennent la cohésion sociale. Leur impact positif est essentiel au maintien du lien dans un groupe. Lorsque que les gens sont ensemble ils surmontent plus facilement les agressions du monde extérieur. Le toucher nous relie à l’environnement et aux autres. On entend parler de distanciation sociale quand certains préfèrent parler de distanciation physique. Cette distance physique met bien évidemment un fossé entre nous et les autres et entrave lourdement nos relations sociales.
La peau c’est les émotions : La peau, le toucher, les sensations tactiles, le tact. On dit « Faire preuve de tact » : pour décrire le sentiment délicat de la mesure, des nuances, des convenances. Le tact c’est la délicatesse et l’adaptation dans les relations avec autrui. C’est la capacité de sentir des signaux faibles, tout ce qui est non verbal et qui passe par le corps, nous sommes réceptifs à ce langage qui traduit nos attitudes et nos émotions. Cette lecture du non verbal est facile quand on est dans la même pièce et plus compliqué lorsque l’on est en visio. Tous les jours de nombreux messages visuels ou sonores nous échappent, mais jamais un contact physique.
La peau c’est le mouvement. On dit « être touché », c’est être ému, c’est percevoir une émotion, si on regarde le sens étymologique, « motion » vient de movere mouvement, « être touché » provoque en principe un mouvement vers l’autre pour aller à sa rencontre ou pour s’en éloigner. Il est intéressant de regarder que c’est le mouvement dans le règne animal et aussi dans le règne végétal. Certains végétaux ont également des réactions tactiles, avec des temps de réponses suffisamment courts pour être observables. Le mimosa qui fleurit comme une brassée de soleil au cœur de l’hiver, tire son nom de ce qu’il se contracte quand on le touche…
La peau soigne nos douleurs physiques et psychiques Les contacts physiques sont vitaux pour le corps et l’esprit. Le toucher apaise et relaxe, je l’ai évoqué en parlant d’haptonomie. On parle beaucoup de stress en ce moment, d’anxiété, d’angoisse et l’on sait que ces manifestations peuvent baisser facilement pour peu que l’on ait des contacts physiques. Mais nous manquons aujourd’hui cruellement de ce qui d’habitude nous aide à traverser des phases de stress. Autre qu’une action sur le stress, le toucher a une fonction antalgique. C’est pourquoi on frotte souvent par réflexe une zone douloureuse. Quand on parle de solitude finalement, ce qui nous manque ce sont les contacts physiques, une proximité physique avant tout, qui si elle n’est pas là, entraîne facilement tristesse et déprime.
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La peau c’est l’échange, la relation, le développement, l’apprentissage, la survie, l’amour, le lien, les émotions, le mouvement, le soin.
Paul Valéry disait « La peau est ce qu'il y a de plus profond en nous ». Pourtant dans la hiérarchie philosophique des 5 sens, le toucher arrive bon dernier mais ce classement sous-estime sa signification essentielle pour l’être humain.
En ces temps de distanciation la proximité est mise à rude épreuve, nous manquons de contacts. Demain comment se dira-ton bonjour quand le virus aura disparu ? Quelles influence la crise sanitaire aura sur le toucher. Cette absence de contacts physique a un impact négatif sur notre santé mentale c’est certain. Comment nous pallions ce manque et comment nous prenons soin de nous en attendant le moment où nous pourrons à nouveau nous serrer dans les bras et nous embrasser.
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